1,6 million de démissions en CDI ont été enregistrées en France sur une seule année, selon la Dares. Derrière ce chiffre massif se cachent des parcours, des espoirs, parfois des doutes et, toujours, une question brûlante : que garde-t-on vraiment quand on tourne la page du contrat à durée indéterminée ?
Ce que la démission d’un CDI implique vraiment pour votre situation
Rompre un CDI n’a rien d’un geste anodin. La démission n’obéit pas aux mêmes règles que le licenciement ou la rupture conventionnelle : ici, c’est le salarié qui initie la séparation, sous l’œil attentif du code du travail et, bien souvent, de la convention collective propre à la branche. Gare aux décisions hâtives : il faut respecter un préavis, sauf à obtenir une dispense expresse de l’employeur.
Ce départ ne raye pas d’un trait les droits acquis. Le versement du solde de tout compte, la remise du certificat de travail et de l’attestation France Travail font toujours partie du package dû au salarié. Mais sur le plan social, quitter un CDI ferme l’accès aux allocations chômage, sauf exceptions. Certaines situations prévues par le code du travail permettent toutefois une démission légitime : suivre son conjoint, subir un non-paiement de salaire ou des agissements graves de l’employeur. Dans ces cas, l’assurance chômage peut rester accessible.
Le départ ne se résume jamais à une simple lettre. En cas de faute grave, de manquements sérieux de l’employeur ou d’une volonté de négocier une rupture conventionnelle, la donne change. Pour la période d’essai, la rupture se fait selon des modalités simplifiées, sans alourdir les formalités. Enfin, la façon dont le contrat s’achève pèse sur la suite : trajectoire professionnelle, réputation, droits à la retraite, chaque choix compte.
Quels droits conservez-vous en quittant un CDI ?
Mettre fin à un CDI ne signifie pas tout perdre. Certains droits accompagnent le salarié, quelle que soit la manière dont s’opère la rupture. L’employeur doit remettre plusieurs documents : certificat de travail, attestation France Travail et reçu pour solde de tout compte. Ces pièces sont indispensables pour justifier de sa situation auprès de France Travail ou d’un futur employeur.
Côté finances, le versement des indemnités dépend de l’exécution du préavis. Si l’employeur dispense le salarié de rester jusqu’au bout, une indemnité compensatrice de préavis peut s’ajouter, sauf en cas de faute grave. Les congés payés non consommés donnent droit à une indemnité compensatrice de congés payés. Ces sommes viennent compléter le dernier salaire, sous réserve des conditions définies par la convention collective ou les usages de l’entreprise.
La question de l’assurance chômage reste épineuse. Quitter un CDI coupe en principe l’accès à l’allocation chômage (ARE). Pourtant, certains motifs, comme suivre son conjoint ou une absence prolongée de salaire, font entrer la démission dans la catégorie « légitime » et peuvent ouvrir droit à une indemnisation par France Travail. L’examen du dossier se fait au cas par cas, avec un niveau de preuve à respecter.
Quant à la retraite, tout n’est pas remis à zéro. Les droits acquis demeurent. Chaque période travaillée, même si elle s’arrête brutalement, compte dans le calcul des trimestres et des points. La démission, en soi, ne retire rien au compteur.
Comment partir sans perdre le bénéfice de vos droits sociaux et financiers
Prendre la porte tout en préservant ses droits sociaux et financiers, c’est parfois un exercice d’équilibriste. Plusieurs options existent, à condition de bien connaître les règles du code du travail et d’anticiper chaque étape.
Il existe des situations où la démission légitime est reconnue. Voici les principaux motifs légitimes recensés par la loi :
- suivi de conjoint,
- non-paiement du salaire,
- déménagement après un mariage,
- harcèlement avéré.
Dans ces circonstances, France Travail considère le départ comme ouvrant droit à l’allocation chômage dès la rupture du contrat. La rupture conventionnelle constitue une autre alternative : elle se négocie entre salarié et employeur, garantit l’accès à l’assurance chômage sans qu’il soit nécessaire de justifier un motif, et permet de définir les conditions financières du départ.
Lorsque la situation devient conflictuelle, il reste la prise d’acte ou la résiliation judiciaire. Ces démarches, soumises au Conseil de prud’hommes, permettent au salarié de faire constater une faute suffisamment grave de l’employeur pour justifier une rupture immédiate. Si la faute est reconnue, France Travail peut ouvrir les droits à indemnisation.
Il est aussi possible de s’appuyer sur certains dispositifs d’accompagnement à la reconversion : création d’entreprise, formation professionnelle, service civique. Le code du travail numérique détaille les conditions d’accès à ces mesures, qui peuvent parfois justifier une démission tout en préservant les droits sociaux. Pour les journalistes, la clause de conscience reste un mécanisme spécifique, protégeant leur liberté d’expression et leur indépendance.
Conseils pratiques pour préparer sereinement votre départ
Se lancer dans la démission d’un CDI ne se limite pas à envoyer une lettre : chaque étape exige méthode et attention. Commencez par calculer la durée de votre préavis selon votre convention collective ou votre contrat. Un oubli ou une erreur peut entraîner une retenue sur salaire, sauf accord clair de l’employeur. Il reste possible de négocier la réduction du préavis, notamment lors d’une embauche rapide ou en cas de contrainte personnelle forte.
La remise des documents de fin de contrat ne doit rien laisser au hasard. L’employeur doit vous fournir un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et l’attestation France Travail (anciennement Pôle emploi), indispensables pour toute démarche d’allocation chômage. Vérifiez soigneusement ces documents : la moindre imprécision peut retarder la suite.
Pensez à faire valoir vos droits financiers : réclamez l’indemnité compensatrice de préavis et celle de congés payés pour tous les jours non pris. Le code du travail encadre strictement ces calculs, mais chaque secteur peut avoir ses usages propres.
Enfin, préparez l’après. Certains salariés profitent du préavis pour entamer une formation ou décrocher une promesse d’embauche ailleurs. Un projet de création d’entreprise ou de reconversion professionnelle peut, sous conditions, ouvrir l’accès à l’allocation France Travail après la démission. Demander conseil à un syndicat ou à un spécialiste du droit social permet, souvent, d’éviter les pièges administratifs et de quitter l’entreprise sans faux pas.
Quitter un CDI, c’est refermer une porte, parfois avec fracas, parfois sur la pointe des pieds. Mais c’est aussi l’occasion de redessiner sa trajectoire, sans sacrifier ce qui a été patiemment construit. La suite s’écrit au présent, entre choix assumés et droits préservés.

