Licenciement : Peut-on être renvoyé pour avoir dormi au travail ?

Dormir sur son lieu de travail peut conduire à un licenciement pour faute grave, mais la jurisprudence ne retient pas systématiquement cette sanction. Les tribunaux examinent le contexte précis, la fréquence des faits et les fonctions occupées avant de valider une rupture du contrat pour ce motif.

Dans certains cas, la sanction est jugée disproportionnée quand aucune conséquence sérieuse n’est constatée ou si l’état de santé du salarié est en cause. Les employeurs doivent respecter une procédure stricte et justifier la mesure disciplinaire par des éléments concrets.

Sommeil au travail : une réalité fréquente et ses enjeux pour l’entreprise

Dans les open spaces, dans les véhicules de fonction ou à l’abri d’un local discret, nombreux sont ceux qui cèdent à une sieste furtive. Ce n’est ni rare ni réservé à quelques professions : le phénomène touche toutes les entreprises, tous les niveaux. L’éviction d’Adama Cissé, agent de propreté chez Polysotys (groupe Derichebourg), pour s’être assoupi sur son poste, a mis la lumière sur cette réalité et ses conséquences parfois radicales.

La sieste au travail place l’employeur face à un choix cornélien. Il y a d’un côté l’image à défendre, surtout si la scène est capturée et circule sur les réseaux sociaux ou auprès d’un client. De l’autre, il y a la question de la santé, la pénibilité, la sécurité sur certains postes. Un agent de sécurité qui s’endort peut mettre autrui en danger, alors qu’un agent d’entretien isolé n’a pas les mêmes enjeux immédiats pour les autres.

Voici les principaux points de tension pour l’entreprise confrontée à un salarié qui s’assoupit :

  • Image de l’entreprise : un salarié endormi, surtout dans un lieu visible ou stratégique, peut nuire à la réputation de l’organisation.
  • Obligation de sécurité : certains postes, notamment dans la surveillance ou la maintenance, exigent une vigilance permanente.
  • Santé au travail : la fatigue chronique d’un salarié questionne l’organisation du travail, la gestion des plannings et le respect du droit au repos.

Face à cette équation, les directions oscillent entre sanction et ajustement des rythmes. Les tribunaux rappellent que toute affaire se juge selon ses circonstances précises : fréquence, fonction exercée et véritable préjudice pour l’entreprise pèsent dans la balance.

La législation française face au salarié surpris en train de dormir

Le droit du travail en France ne contient aucun article qui proscrirait explicitement la sieste sur le lieu de travail. Aucun texte du Code du travail ne sanctionne formellement un salarié qui s’endort, même si la pratique continue de diviser dans bon nombre d’entreprises. En revanche, la loi exige que tout licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse (article L1232-1 du Code du travail).

Les décisions de justice dessinent un tableau nuancé. Si la sieste reste un fait isolé, sans conséquence sur la sécurité ni sur l’activité, elle ne suffit pas à constituer une faute grave. La Cour de cassation a d’ailleurs tranché en ce sens pour un salarié ayant somnolé la nuit : absence de faute grave, droit à indemnisation (Cass. Soc., 22 septembre 2015, n°14-13. 965). À l’inverse, certains métiers, comme la sécurité ou l’encadrement d’enfants, requièrent une vigilance de tous les instants : là, la sanction peut tomber. La même Cour a validé le licenciement pour faute grave d’un agent de surveillance surpris en train de dormir (26 septembre 2001, n°99-43666), ou d’un moniteur sportif chargé de mineurs (20 décembre 2006, n°05-42415).

Le conseil de prud’hommes s’attache à examiner chaque dossier de près. Il évalue la nature du poste, la répétition des faits, le respect des pauses et la survenance éventuelle d’un incident. Les avocats comme Maître Eric Rocheblave rappellent combien le contexte compte : surcharge de travail, plannings intenables, défaut de repos… Tous ces paramètres sont scrutés à la loupe. Par ailleurs, la directive européenne 93/104/CE limite la durée hebdomadaire à 48 heures, protégeant ainsi les salariés contre les abus.

Quelques exemples récents illustrent l’approche des juridictions :

  • Un salarié surpris à dormir sur un chantier : la faute grave a été retenue (CA Riom, 13 septembre 2011, n°10/02828).
  • Sommeil dans la salle d’attente d’un client : aucune faute caractérisée (CA Paris, 12 octobre 2011, n°10/00413).
  • Agent de sécurité endormi après 72 heures de travail en sept jours : licenciement jugé injustifié (CA Colmar, 17 mars 2017).

La règle, ici, refuse la caricature et privilégie une analyse concrète, attentive au moindre détail.

Peut-on être licencié pour s’être assoupi sur son lieu de travail ?

S’endormir au travail peut-il vous coûter votre place ? Il n’existe pas de réponse universelle. Tout tourne autour de la notion de cause réelle et sérieuse : chaque cas s’étudie selon la fonction, la fréquence, le contexte. Un salarié surpris en flagrant délit de sieste, une seule fois, n’est pas automatiquement menacé. La Cour de cassation a d’ailleurs tranché : l’assoupissement isolé, surtout la nuit, ne constitue ni faute grave, ni cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc., 22 septembre 2015, n°14-13. 965).

Pourtant, certains métiers ne laissent pas place à la moindre inattention. Dans la sécurité ou l’encadrement de publics vulnérables, la vigilance est une obligation contractuelle et morale. Les juridictions se montrent alors intransigeantes. Exemple : la cour d’appel de Paris a approuvé le licenciement d’un agent de sécurité endormi à son poste (29 mai 2019, n°17/08094). À l’inverse, une sieste dans la salle d’attente d’un client n’a pas retenu l’attention des juges (CA Paris, 12 octobre 2011).

Répétition et gravité font la différence. Un salarié ayant dormi à quatre reprises sur son lieu de travail a échappé à la faute grave (CA Riom, 20 septembre 2016, n°14/01464). Mais attention : la preuve reste déterminante. Des horaires de sieste non précisés, une durée incertaine : le dossier s’effondre (CA Angers, 9 novembre 2010).

Le juge tient compte aussi des conditions dans lesquelles la faute est commise. Un agent de sécurité épuisé par 72 heures de travail en une semaine a obtenu gain de cause : pas de cause réelle et sérieuse, droit à indemnisation. L’équilibre entre santé au travail et exigences patronales continue de se négocier au cas par cas.

Jeune femme se reposant dans un salon professionnel

Employeurs et salariés : droits, obligations et précautions à connaître

Dans ce domaine, la prudence est de rigueur pour tous. Si l’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire, il doit composer avec des garanties précises : droit au repos, santé au travail, respect des temps de pause. La directive européenne 93/104/CE limite la durée de travail à 48 heures sur sept jours consécutifs. Un dépassement expose à des sanctions, comme l’a montré l’affaire de l’agent de sécurité épuisé jugée à Colmar.

Côté salariés, le fait de s’assoupir ne mène pas mécaniquement au licenciement. Les juges examinent la situation dans ses moindres détails : sécurité du poste, fréquence des incidents, respect des plages de repos, passé disciplinaire. Dans des secteurs où la vigilance est capitale, sécurité, surveillance, accueil du public,, la sanction peut tomber plus vite. Ailleurs, une sieste isolée pèse peu dans la balance.

Convention collective et contrat de travail fixent parfois des obligations spécifiques. Avant d’envisager une sanction, il est donc indispensable de constituer un dossier solide : recueillir des témoignages, consigner des horaires précis, s’assurer du respect des pauses. Une simple photo ne suffit pas ; l’affaire Adama Cissé en est la preuve. L’employeur doit également vérifier que les horaires, les pauses et les conditions de travail sont conformes à la réglementation.

En cas de conflit, c’est le conseil de prud’hommes qui tranche. Le recours à un avocat spécialisé peut alors tout changer. Maître Eric Rocheblave, Maître Ngawa et d’autres experts rappellent que chaque affaire a ses particularités. Mais une constante s’impose : le droit au repos et le respect de la santé des salariés priment, au-delà des automatismes disciplinaires.

Dormir au travail, c’est finalement la collision de deux mondes : celui des contraintes professionnelles et celui des limites humaines. La ligne de crête est ténue, et la vigilance, côté employeur comme salarié, reste la meilleure alliée pour éviter de sombrer dans l’arbitraire.